-
Nous y songeons, mon frère, nous y songeons. D’ailleurs, tout à
l’heure nous nous disperserons un par un et par deux issues
différentes.
Il
y eut comme un soupir de soulagement dans le cercle et Arménius
reprit : « Donc pas d’objection à cette intronisation…
Le frère qui va paraître devant vous a un grand désir de nous
rejoindre et il a déjà apporté plusieurs preuves de sa loyauté et
de sa bonne foi. Depuis 48 heures maintenant, il attend enfermé dans
une cave voisine, dans l’obscurité la plus totale avec une cruche
d’eau pour seule boisson et un quignon de pain pour seule
nourriture. Dois-je le faire entrer ? »
-
Qu’il se présente, Grand-maître, répondirent les autres d’une
seule voix.
Sur
un signe de tête d'Arménius, le templier à la peau noire quitta le
cercle et revint quelques instant plus tard en guidant un homme qui
arriva avec un bandeau sur les yeux.
-
Qui donc êtes-vous pour vous présenter ainsi parmi nous ?
commença Arménius.
« Je
me nomme Nogaro Eric et suis habitant de Villedieu le haut »,
répondit l’impétrant.
-
Pourquoi vous présentez-vous dans ce cercle ?
-
Je désire être un des vôtres, ô Grand Maître… Si vous
m’accueillez dans votre maison, je promets d’être fidèle,
discret et obéissant jusqu’à la mort…
-
Ne croyez pas que vous allez entrer dans notre fraternité pour y
recueillir honneur, argent, plaisirs et récompenses. Attendez-vous
plutôt à n’y trouver qu’ingratitude, souffrance et tourments.
Vous étiez homme libre, vous allez devenir serviteur. On vous
demandera de faire ce qui peut-être ne vous plaira pas. Mais comme
vous nous devez obéissance, il faudra vous y résoudre. Voulez-vous
toujours être introduit parmi nous ?
-
Je le veux, Grand Maître, je le veux.
-
Tout ce que vous entendrez, tout ce que vous verrez, tout ce que vous
apprendrez devra rester secret. Même à votre épouse, à vos
enfants, à vos proches, vous ne pourrez absolument rien raconter. Si
vous enfreigniez cette règle sacrée, non seulement vous seriez
rejeté immédiatement dans les ténèbres extérieures, mais encore
votre vie ne vaudrait plus grand-chose car notre règle punit de mort
celui qui la viole. Sachant cela, voulez-vous toujours être
introduit parmi nous ?
-
Je le veux, Grand-maître, je le veux.
-
Et vous mes frères, acceptez-vous d’accueillir Eric ici présent,
de le considérer comme votre frère, de lui demander aide, accueil
et protection si vous en avez besoin et d’agir de même vis-à-vis
de lui le cas échéant
-
Nous le voulons ! braillèrent les tuniques blanches.
-
Dans ce cas, que la Lumière l’illumine ! annonça
solennellement Arménius.
Le
templier noir dénoua le bandeau des yeux de Nogaro qui se retrouva
ébloui puis appuya fortement sur son épaule pour l’amener à
mettre un genou en terre.
« L’impétrant
Nogaro Eric, ici présent, a répondu de façon satisfaisante à nos
questions. Si un des frères a quelque chose a dire qu’il parle.
S’il n'a rien à dire, qu’il se taise à jamais ! »
Silence
dans le cercle. Le Grand Maître quitta son trône et avança vers
l’homme agenouillé. Il prit une épée, plaça le plat de la lame
ainsi que sa main sur le crâne du postulant puis effleura chacune de
ses deux épaules avant de planter l’épée juste devant lui, dans
le sol de terre battue. Puis il prononça ces paroles un peu
étranges : « Par Gwaal le
puissant, Bouddha le très sage et Allah le très miséricordieux, je
te fais chevalier du Temple. Montre-toi digne de cet honneur. »
Et il lui tendit la main pour l’aider à se relever avant de lui
donner l’accolade. Un autre templier lui présenta un minuscule
bouclier rond qui, retourné, aurait eu l’aspect d’une sorte de
grosse coupe ou même d’un saladier. Nogaro le mit à son bras. Un
second lui apporta la grande cape blanche à croix rouge et l’aida
à s’en revêtir. Et finalement un troisième termina l’étrange
adoubement en lui plaçant un loup de velours noir sur le visage.
-
Maintenant que vous voilà chevalier de premier grade, vous pouvez
rejoindre notre cercle, conclut Arménius.
Et
le cérémonial reprit avec les séries de « Ooom », les
invocations au Gwaal ou au Bwaal, les lectures plus ou moins
mystiques, la remise en cercle et l’an-dro guilleret du début.
Au
bout d’environ un heure, chacun quitta la cave dans la plus grande
discrétion. Les uns se dirigèrent un vers la cour de la rue des
Bouchers et les autres remontèrent par la cave du « Griffon
d’or » et la rue des Blancs-Manteaux. Il faisait nuit noire,
les deux rues étaient vides. Personne ne remarqua l’étrange
ballet de ses ombres qui disparaissaient une à une.
(A SUIVRE)
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