-
Conneries ! s’exclama intérieurement Renard en rejetant le
bouquin loin de lui.
S'il
avait tourné une page de plus, il serait tombé sur plus intrigant
encore. Il aurait lu qu’Himmler et ses amis avaient fait lancer de
nombreuses expéditions scientifiques pour retrouver des traces de la
race aryenne un peu partout dans le monde, au Moyen Orient, dans les
Andes et jusqu’au lointain Tibet, qu’ils avaient tenté de
retrouver le saint Graal aux alentours de Montségur dans le sud de
la France, ainsi qu’à Montserrat en Espagne catalane et dans le
Massif Central autour de diverses commanderies de Templiers. L’auteur
faisait même mention de certaines découvertes. Et puis Himmler et
nombre de mystiques du même acabit, comme Heydrich, Hess et quelques
autres, firent des études poussées sur des rites païens celtiques
ou germaniques sans oublier sur diverses pratiques de sorcelleries
anciennes ou modernes. Mais Renard ne prêtait plus du tout attention
à sa lecture. Virginie s’agitait sur sa couche. Elle arrivait même
à pousser quelques petits couinements qu’on entendait au travers
du bâillon. Elle était réveillée, il fallait agir au plus vite.
La nuit avançait, le temps jouait contre eux.
Il
fila à la cuisine et revint chargé d’une bassine d’eau froide
qu’il balança sans ménagement sur le visage de Loup qui émergea
aussitôt des vaps.
-
Ah, mon salaud, tu m’as bien eu ! Juste au moment où j’allais
conclure…
-
Tu as conclu, mon cochon, tu as conclu, lui affirma l’autre sans
vergogne aucune. Lève-toi ! Assez rigolé. Tu te rappelles
pourquoi on a capturé la gamine ?
-
Ben, pour faire ch… Armen, répondit l’autre en se frottant le
dessus du crâne.
-
Pas seulement. Il nous a viré de sa société secrète. Il a osé
nous menacer, ce pourri. Mais nous, on sait plein de choses et on va
le faire chanter.
-
Comment ça ? s’étonna le gros.
-
On va lui téléphoner et lui réclamer un gros tas de pognon en
échange de la fille. Tu te rappelles, c’était décidé comme
cela. T'as fait le nécessaire pour la camionnette blanche que je
t’avais demandée ?
-
Ben non, avoua piteusement Loup. J’ai oublié.
-
Mais t’es nul ! Et j’en ai vraiment marre d’un crétin
comme toi. Tu vois ce que tu vas faire. Tu vas descendre l’escalier
et récupérer le premier fourgon venu. Moi, je m’occupe des
négociations…
-
Ca serait pas plus simple que l’autre il amène le pognon ici et
qu’on lui rende sa gonzesse en même temps ?
-
Ferme-la ! Tu ne dis que des conneries ! Tu ne veux pas que
j’appelle les flics pendant que tu y es ?
-
Non, pas les flics, Renard, pas les flics, je t’en prie… Ce gros
bloc de muscles devenait pitoyable.
Le
maigrichon lui lança un regard mauvais : « Fais ce que je
te dis, bon sang ! Va me chercher fissa une camionnette blanche
et moi je m’occupe du reste… »
L’autre
obtempéra et se précipita dans l’escalier. La rue était déserte.
Il n’allait pas être facile de trouver le véhicule dont ils
avaient besoin. « Encore heureux qu’il ne veut pas une marque
particulière, songea Louis Dubois. Rien que pour me casser les
pieds, il serait capable de vouloir un Ford à la place d’un
Peugeot ou un Renault plutôt qu’un Citroën ! Blanc, c’est
déjà beaucoup demander. »
Il
marchait le long des trottoirs en examinant les voitures garées. De
temps à autre, il essayait d’ouvrir les portières de divers
camions et fourgons en stationnement, mais en vain. On n’était pas
au cinéma, ici personne ne laissait son véhicule ouvert la nuit. De
toutes les façons, Loup aurait été incapable de démarrer quoi que
ce soit en trafiquant des fils sous un tableau de bord. Il regarda sa
montre : trois heures moins le quart, il fallait faire vite.
S’ils traînaient trop, ils allaient se retrouver avec les premiers
travailleurs de l’aube, les éboueurs, les laveurs de carreaux, les
balayeurs municipaux, les premières équipes de nettoyage ou
d’entretien d’hôtels, d’entreprises ou de bureaux et puis
ensuite toute la masse d’ouvriers et d’employés qui
encombreraient chaussées, trains et autobus.
Dans
une rue adjacente au boulevard Victor Hugo, il remarqua trois hommes
qui se quittaient bruyamment. Manifestement ils avaient fêté un
joyeux évènement à coups de copieuses libations. L’un d’eux
s’engagea en zigzagant sur le boulevard, le second partit en sens
contraire et tourna dans une rue voisine alors que le troisième
refermait une porte d’immeuble après leur avoir fait de grands
signes d’adieu. Pourquoi Loup se mit-il à suivre de loin celui qui
s’enfonçait dans la rue et non celui de l’avenue ? Il
n’aurait su le dire. Un coup de poker sans doute ou alors la
facilité. Le gars avait l’air encore plus saoul que l’autre. Non
seulement il zigzaguait dangereusement, mais encore il s’accrochait
aux réverbères, percutait au passage des poubelles qui ne lui
avaient rien fait. Il braillait même un air connu : « A
la Bastille on aime bien Nini Peau d’chien, elle est si belle et si
gentille. On aime bien qui ça ? Nini Peau d’chien, où ça ?
A la Bastiiille… »
(A SUIVRE)
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