Voyage dans l’île des plaisirs
Après avoir longtemps vogué sur la mer Pacifique, nous
aperçûmes de loin une île de sucre avec des montagnes de compote,
des rochers de sucre candi et de caramel, des rivières de sirop, qui
coulaient dans la campagne. Les habitants, qui étaient fort friands,
léchaient tous les chemins, et suçaient leurs doigts après les
avoir trempés dans les fleuves.
Il
y avait aussi des forêts de réglisse, et de grands arbres d’où
tombaient des gaufres qui tombaient dans la bouche des voyageurs, si
peu qu’elle fût ouverte. Comme tant de douceurs nous parurent
fades, nous voulûmes passer en quelque autre pays où l’on pût
trouver des mets d’un goût plus relevé. On nous assura qu’il y
avait, à dix lieues de là, une autre île où il y a avait des
mines de jambon, de saucisses et de ragoûts poivrés. On les
creusait comme on creuse les mines d’or dans le Pérou. On y
trouvait aussi des ruisseaux de sauces à 1'oignon. Les murailles des
maisons sont des croûtes de pâté. Il y pleut du vin couvert quand
le temps est chargé, et, dans les plus beaux jours, la rosée du
matin est toujours du vin blanc, semblable au vin grec ou à celui de
Saint-Laurent.
(Fénelon)
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