mercredi 7 mai 2014

OPERATION BAUCENT (Chapitre 6, 4ème partie)




Loup se maintenait à distance. La rengaine lui tournait dans la tête. Il commençait même à se la répéter mentalement quand il vit l’autre s’appuyer contre une fourgonnette beige. La tête devait lui tourner et le sol tanguer sous ses pieds car il mit un temps fou pour trouver ses clés. Le costaud s’apprêtait à s’avancer vers lui quand l’autre déboutonna sa braguette, sortit son engin en pleine rue et se mit à uriner sur une poubelle qui se trouvait à proximité. Et il chantonnait encore : « Chevaliers de la Table ronde, goûtons voir si le vin est bon… » Il n’était pas bien grand, la cinquantaine bedonnante, le crâne chauve, la moustache et l’air bonhomme de l’artisan en salopette bleue. La porte de la camionnette enfin ouverte, il s’apprêtait à s’installer au volant quand il sentit une grande brute l’attraper par le paletot et lui asséner un coup de poing capable d’assommer un bœuf. Il tomba sur les genoux en émettant un « Pfft » bizarre. Son trousseau de clés tomba à terre. Loup le ramassa et commença à fouiller dedans pour trouver celle qui correspondait au démarreur. Cela lui prit un peu de temps avant de trouver la bonne. Enfin, il engagea la clé dans le contact et la tourna. Le moteur lança quelques crachotements et éternuements poussifs. Décidément, il n’avait pas tiré le bon numéro. Cette vieille charrette marquée : « Gaétan Lemarchal artisan menuisier ébéniste, travail soigné en atelier et à domicile » se faisait prier pour démarrer. Cela énerva Loup. D’autant plus que le menuisier se relevait déjà en titubant et en braillant d’une voix grasseyante : « Non, mais, jeune homme, vous ne manquez pas de culot ! Ceci est MON véhicule et je ne vous permets pas… »
Manifestement les vapeurs alcooliques avaient atténué les effets du coup sur la caboche. Pourtant, il n’eut pas le temps d’achever sa phrase. Le poing monstrueux de Loup le percuta à la tempe et, cette fois, il profita vraiment de trente six mille chandelles multicolores. Enfin le moteur daigna ronronner. L’autre, étalé de tout son long sur les pavés de la chaussée, gênait pour la manœuvre de sortie de stationnement du véhicule. Passablement énervé, Loup sortit du fourgon, ouvrit la porte latérale coulissante, attrapa l’artisan inanimé par les brides de sa salopette et le balança à l’intérieur non sans que sa tête ne percute un montant de la carrosserie…
Pendant ce temps, Virginie se tortillait sur le lit et Renard ne savait pas comment la calmer. Elle voulait sans doute quelque chose, mais quoi ? Pour le savoir, il aurait fallu lui ôter le bâillon qui était collé sur sa bouche. Il n’arrivait pas à s’y résoudre, il avait trop peur qu’elle ne se mette à hurler et à réveiller tout l’immeuble. Il y avait plus pressé. Il récupéra le téléphone portable de Virginie, l’alluma, commença à chercher dans le répertoire et finit par trouver le numéro de Paul Armen. Il appela, mais personne ne répondit. A la cinquième sonnerie, l’appareil bascula sur le répondeur. Renard resta un moment à se demander s’il allait dire quelque chose ou rester muet. Il hésita avant de se lancer : « Armen, salaud, on a ta poule. Va falloir que tu craches au bassinet si tu veux la revoir ! » Il se demanda s’il avait été convaincant et il n’en était pas du tout persuadé. Mais il lui vint une idée en regardant Virginie qui se tortillait comme un ver de terre. « Armen ! On va te faire entendre ta poule, comme ça tu ne nous prendras pas pour des charlots… » Il arracha d’un coup sec le gros morceau de ruban adhésif gris qui recouvrait la bouche de sa victime et il lui tendit l’appareil. Larmes et cris s’échappèrent aussitôt : « Paul, au secours, à moi… Sauve-moi ! Ils m’ont kidnappée… Je suis… » Immédiatement Renard eut le réflexe de lui fermer la bouche de la main tout en concluant : « Voilà, tu en as assez entendu, Armen. On la tient. Ca va te coûter cher, mais avec le trésor que tu es sur le point de découvrir, tu pourras banquer… Attends nos instructions ! » Et il raccrocha. En même temps, il dut retirer sa main car il sentait les dents de Valérie s’enfoncer dans sa chair.
- Arrête, salope ! s’exclama-t-il. Mais qu’est ce que t’as donc ?
- Je ne peux plus me retenir, je vais faire dans ma culotte, avoua-t-elle piteusement.
- Bon, je te détache et je t’accompagne aux waters. Gare à toi si tu essaies de m’entourlouper.
C’est à ce moment qu’il entendit le signal convenu frappé à la porte. Trois coups rapides et deux lents. Il alla ouvrir…
- Ca y est, j’ai la fourgonnette, lança Loup d’un air soulagé.
- Elle est blanche ?
- Presque.
- Décidément tu ne fais jamais ce qu’on te dit, tête de mule !
- Et toi, qu’est-ce que tu as fabriqué avec la gamine ?
- Elle est en train de faire ses besoins… Mais on dirait que…
Ils se précipitèrent vers les toilettes, tambourinèrent dans la porte. Pas de réponse. D’un coup d’épaule, Loup la défonça. Virginie avait grimpé sur la cuvette, ouvert un petit vasistas en hauteur et essayait vainement de s’enfuir par cette improbable issue située à quatre étages du sol.
- Elle a le diable au corps cette meuf ! s’écria Renard qui s’accrocha à ses jambes et réussit à la ramener sur le carrelage des WC.
Loup l’attira à lui et l’assomma d’un coup de poing derrière la nuque : « Si je n’étais pas là… » soupira-t-il. Et ils la gratifièrent à nouveau d’entraves aux poignets et de ruban adhésif sur le museau avant de complètement l'enrouler dans le tapis du vestibule. Loup la plaça sur son épaule comme un vulgaire paquet de linge sale. Sans plus attendre, ils quittèrent l’appartement, descendirent l’escalier et s’engouffrèrent dans la camionnette.
« Quand même, tu aurais pu choisir plus discret, se plaignit Renard. »
- J’aurais voulu t’y voir, gros malin, répondit le costaud. J’ai pris ce que j’ai trouvé et la prochaine fois, quand ce sera ton tour de piquer une caisse, on verra ce que tu ramèneras !
(A SUIVRE)
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