Conception de l’amour en 1928
Je doute que le véritable amour comporte du désir ;
de la ferveur, de la passion. Je ne doute pas qu’il ne puisse
naître que d’une disposition à approuver quoi que ce soit, puis
d’un abandon amical au hasard, ou aux usages du monde, pour vous
conduire à telles ou telles rencontres ; vivre que d’une
application extrême dans chacune de ces rencontres à ne pas gêner
l’objet de vos regards et à le laisser vivre comme s’il ne vous
avait jamais rencontré ; se satisfaire que d’une approbation
aussi secrète qu’absolue, d’une adaptation si totale et si
détaillée que vos paroles à jamais traitent tout le monde comme le
traite cet objet par la place qu’il occupe, ses ressemblances, ses
différences, toutes ses qualités; mourir enfin que par l’effet
prolongé de cet effacement, de cette disparition complète à ses
yeux — et par l’effet aussi de l’abandon confiant au hasard
dont je parlais d’abord, qu’il vous conduise à telles ou telles
rencontres ou vous en sépare aussi bien.
(Francis Ponge)
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